Les « accommodements raisonnables » en matière de diversité religieuse.
Le concept d’accommodement ou aménagement raisonnable repose sur un constat de base : certaines personnes, en raison d’une caractéristique qui leur est inhérente et qui constitue un motif prohibé de discrimination, telle qu’un handicap, une croyance religieuse ou leur sexe, ne sont pas en mesure d’accomplir une tâche ou d’accéder à un lieu de manière conventionnelle.
Dès lors que l’environnement dans lequel elles évoluent est organisé uniquement en fonction des individus qui ne présentent pas cette particularité, ces personnes se voient barrer l’accès à des emplois, à des services ou à d’autres activités. C’est donc l’interaction entre une caractéristique propre à un individu et l’environnement physique, social ou normatif, qui aboutit à priver celui-ci du bénéfice d’un emploi ou d’un service en principe ouvert à tous.
Or, il apparaît que dans un certain nombre de cas, un aménagement, c’est-à-dire une modification ou un ajustement, de cet environnement permettrait d’éviter aux personnes présentant cette spécificité d’être ainsi désavantagées par rapport aux autres individus.
En conséquence, plusieurs systèmes juridiques considèrent que l’exigence d’égalité et de non-discrimination impose, dans ce type de situation, à l’employeur, à un autre acteur économique ou à une autorité publique, une obligation d’ « aménagement raisonnable », c’est-à-dire l’obligation de prendre des mesures appropriées pour garantir à certaines catégories de personnes protégées contre la discrimination, la possibilité d’accéder à un emploi ou à un autre domaine d’activité.
Mais cette obligation a une limite : l’aménagement envisagé doit être « raisonnable ». Autrement dit, il ne doit pas entraîner une charge disproportionnée pour le titulaire de l’obligation. Dans cette mesure, refuser d’aménager une norme ou une pratique de portée générale dans les limites du raisonnable, en accordant un traitement différentiel à un individu qui, autrement, compte tenu de son handicap, de sa religion ou d’un autre critère prohibé, serait pénalisé par l’application de cette norme, constitue une discrimination.
Le célèbre avis rendu par la Cour permanente de justice internationale en 1935 dans l’affaire Ecoles minoritaires en Albanie préfigure ce raisonnement. La Cour y déclare en effet que si « [l]’égalité en droit exclut toute discrimination [au sens de différence de traitement] ; l’égalité en fait peut, en revanche, rendre nécessaires des traitements différents en vue d’arriver à un résultat qui établisse l’équilibre entre des situations différentes. ».
(…)
La mise en oeuvre de ce concept soulève néanmoins des difficultés. Se pose notamment la question de la détermination des limites d’une telle obligation d’accorder des aménagements. En outre, certains ajustements, lorsqu’ils consistent en des exceptions à une règle en principe applicable à tous, peuvent être source de tension, sinon de conflit, avec la notion d’égalité au sens formel et le principe de la généralité de la loi. Le traitement au cas par cas que nécessitent les demandes d’aménagement dans l’application d’une règle, requiert un effort constant pour maintenir la cohérence et l’équité des réponses apportées aux différentes requêtes. Des écueils supplémentaires peuvent apparaître dans le cas d’une demande motivée par une conviction religieuse : la personne peut-elle être tenue de prouver que le précepte qu’elle invoque fait effectivement partie des exigences de sa religion ? Que faire lorsqu’il apparaît que l’interprétation du prescrit religieux en cause est contestée au sein de la communauté confessionnelle concernée ? Et d’autre part, quel accueil réserver aux requêtes qui soulèvent des interrogations quant à leur compatibilité avec des valeurs démocratiques fondamentales comme l’égalité entre les hommes et les femmes ?
(...)
Lire à ce sujet l'article ci-attaché:
« Neutralité de l’état et accommodements : convergence ou divergence ? », José WOEHRLING