Calimero https://calimero.transquinquennal.be Transquinquennal Mon, 18 Mar 2019 14:21:15 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.6.2 https://calimero.transquinquennal.be/wp-content/uploads/2019/02/cropped-CALI_Logo-ico-32x32.png Calimero https://calimero.transquinquennal.be 32 32 Faut-il repenser le concept de masculinité hégémonique ? https://calimero.transquinquennal.be/faut-il-repenser-le-concept-de-masculinite-hegemonique/ Mon, 18 Mar 2019 14:20:36 +0000 http://calimero.transquinquennal.be/?p=389 Lire la suiteFaut-il repenser le concept de masculinité hégémonique ?]]>

Le concept de masculinité hégémonique, introduit il y a une vingtaine d’années, a considérablement influencé la réflexion contemporaine sur les hommes, le genre et les hiérarchies sociales. Ce concept a permis de mettre en lien les développements récents du champ des men’s studies(connues également sous le nom de masculinity studies et critical studies of men), les inquiétudes communes concernant les hommes et les garçons, la vision féministe du modèle patriarcal et les modèles sociologiques du genre. Il a été utilisé dans divers domaines de recherche appliquée, aussi bien en matière d’éducation ou de prévention de la violence que de santé et d’assistance psychologique.

Une exploration des bases de données révèle que plus de 200 titres et résumés de travaux de recherche font usage du terme exact de « masculinité hégémonique ». Ce chiffre s’élève à plusieurs centaines si on prend en considération les variantes du terme ou que l’on considère le contenu des articles. Plusieurs conférences témoignent d’un intérêt persistant pour ce thème : début mai 2005 s’est tenue une conférence intitulée « Hegemonic Masculinities and International Politics » à l’Université de Manchester, en Grande-Bretagne, tandis que Stuttgart a accueilli une conférence interdisciplinaire autour du thème « Hegemoniale Männlichkeiten » (Dinges, Rundal et Baueur, 2004).

Le concept a également fait l’objet d’importantes critiques venant de tous horizons : sociologique, psychologique, post-structuraliste et matérialiste (voir par exemple Demetriou, 2001 ; Wetherell et Edley, 1999). Il a été attaqué, en dehors du monde académique, comme étant « une invention des psychologues New Age » visant à prouver que les hommes sont trop machos, pour citer une critique virulente d’un internaute.

C’est donc un concept contesté. Il permet cependant d’identifier un certain nombre d’enjeux qui sont pleinement au cœur des débats actuels autour du pouvoir et du leadership politique, de la violence, publique comme privée, et des transformations de la famille et de la sexualité. Un réexamen exhaustif du concept de masculinité hégémonique semble dès lors justifié. Si le concept se révèle encore utile, peut-être doit-il néanmoins être reformulé en des termes plus contemporains. Notre article tente de répondre à ce double objectif.

Pour lire l’article en entier: ICI

SOURCE: Faut-il repenser le concept de masculinité hégémonique ?  de Robert William Connell et James W. Messerschmidt
Traduction coordonnée par Élodie Béthoux et Caroline Vincensini. Article publié dans Terrains & travaux 2015/2 (N° 27), pages 151 à 192

 

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La non-mixité, un outil politique indispensable https://calimero.transquinquennal.be/la-non-mixite-un-outil-politique-indispensable/ Mon, 18 Mar 2019 13:54:04 +0000 http://calimero.transquinquennal.be/?p=380 Lire la suiteLa non-mixité, un outil politique indispensable]]> Après les remous déclenchés par Nyansapo, un festival afroféministe organisé par le collectif Mwasi qui prévoyait des espaces réservés aux femmes noires, la journaliste et militante Rokhaya Diallo explique pour elle la nécessité de la non-mixité pour lutter contre les inégalités et obtenir l’émancipation des minorités discriminées.

Voici l’histoire d’un modeste festival féministe qui a déclenché une tempête nationale. A l’origine de la controverse, les réseaux proches du Front National, dont son trésorier Wallerand de Saint-Just, exigent d’Anne Hidalgo maire de Paris, qu’elle agisse contre ce festival «interdit aux Blancs».

Avec une précipitation déconcertante, la première magistrate proclame sa volonté d’interdire la tenue d’un tel festival dans des locaux subventionnés par la Ville. L’antiracisme institutionnel, de la LICRA à SOS Racisme en passant la DILCRAH, se mobilise contre ce qui est présenté comme une insupportable injustice et s’attire les félicitations de l’extrême-droite. Or, il s’agit de Nyansapo, un festival afroféministe organisé par le collectif Mwasi. Ouvert à tous.tes, il prévoit aussi des ateliers réservés aux femmes noires et ce afin qu’elles puissent échanger paisiblement sur leur condition spécifique.

La polémique s’est donc focalisée sur le sort des Blancs, alors que ni les personnes d’origine maghrébine ou asiatique, ni même les hommes noirs ne seront conviés à ces réunions. Dans une société réglée par la suprématie blanche, il n’y a bien que la condition des Blancs qui puisse si largement émouvoir et réaliser une improbable coalition d’élus socialistes, de cadres du Front National, de trolls néo-nazis et d’institutions gouvernementales.

 

 

Non-mixité subie ou choisie

Anne Hidalgo admet pourtant la non-mixité, par exemple quand il s’est agi de présenter en 2014 aux mairies d’arrondissements vingt candidats blancs dans une des villes les plus multiculturelles d’Europe…

Il y existe une différence entre la ségrégation subie et nourrie par le pouvoir et la non-mixité temporaire choisie par des personnes vulnérables.

Contrairement aux discriminations qui gangrènent la société française et se traduisent dans des exclusions quotidiennes et protéiformes dans l’espace public, les réunions non-mixtes du Festival Nyansapo ne privent aucun autre groupe de l’accès à un bien ou à un service.

Sans aucun sens de la mesure, les détracteurs de Nyansapo, n’ont pas hésité à convoquer le sombre souvenir de l’apartheid pour discréditer leur initiative. Comparaison parfaitement indécente puisqu’il s’agissait d’une exclusion codifiée et perpétrée par l’Etat.

Les réunions afroféministes non mixtes n’ont en aucun cas vocation à proposer un projet de société ségrégationniste définitif puisqu’elles s’inscrivent dans la temporalité d’un événement ponctuel. Elles offrent à leurs participantes une échappatoire, une zone de respiration dans une société oppressive.

 

Une tradition française

La non-mixité n’est pas nouvelle en France. La mairie de Paris elle-même ne voit aucun mal à subventionner «la Maison des femmes de Paris» qui réunit exclusivement des femmes.

Dans les années 1970, les féministes françaises, inspirées par les mouvements noirs américains, s’approprient la non-mixité comme mode d’organisation politique.

C’est ainsi que l’on peut lire sous la plume Mouvement de libération des Femmes (MLF) (revue Partisans 1970): «Nous sommes arrivés à la nécessité de la non-mixité. Nous avons pris conscience qu’à l’exemple de tous les groupes opprimés, c’était à nous de prendre en charge notre propre libération.» C’est au sein de ces réunions que peuvent éclore les revendications féministes qui aboutiront notamment à la légalisation de l’IVG.

De nombreux détracteurs se mobilisent alors contre ces militantes, allant parfois jusqu’à la violence physique, mais comme le souligne sur Facebook la politologue Françoise Vergès, témoin de l’époque «JAMAIS, une organisation antiraciste où des élus de gauche n’appelèrent à leur interdiction en se tournant vers la loi. JAMAIS».

Pour l’universitaire, la raison de l’actuelle bronca est claire: «C’est parce que ce sont des femmes noires qu’il y a cette réaction d’organisation se disant antiraciste et d’une maire de gauche. Ce n’est pas la non mixité qui dérange, c’est qu’elle soit pratiquée par des femmes noires».

Cette initiative a été vécue comme une attaque en règle de la centralité blanche si profondément inscrite dans l’imaginaire collectif. En effet, lorsque l’on est dans une position socialement dominante et centrale, lorsque sa couleur n’a jamais été un frein pour rien, il est difficilement concevable de voir des personnes habituellement subalternes organiser des espaces où sa présence n’est pas souhaitée.

 

La nécessité d’une parole désinhibée

Ces espaces sont nécessaires: il n’est pas difficile de comprendre que des femmes victimes de violences sexuelles éprouvent le besoin de se réunir entre femmes pour évoquer les sévices qu’elles ont subis. La présence d’hommes inhiberait une expression libre sur des sujets ayant trait au corps des femmes. On partage plus facilement son intimité avec des personnes dont on sait qu’elles ont partagé une expérience similaire. Entre victimes d’une même exclusion, on se fait confiance, on sait, on n’a pas besoin d’argumenter pour que l’autre comprenne, la fonction de la réunion est aussi de rassurer. Et puis parfois la colère et le ressentiment doivent s’exprimer pour libérer l’esprit. Une colère qui peut être désordonnée, et violente. Comment le manifester devant une personne blanche sans qu’elle ne se sente personnellement attaquée? Pour l’éviter, il faudrait réfléchir, peser, choisir ses mots. Résultat: alors que l’on est une victime de racisme qui éprouve le besoin urgent de «se lâcher sur son vécu», on se trouve contraint de ménager les sentiments des dominants. Et on n’avance pas.

Les réunions entre personnes minorées racialement ne se fondent en aucune manière sur des critères biologiques. C’est l’expérience de la négrophobie conjuguée au sexisme qui les unit dans une même catégorie. Une catégorisation subie, dont elles souhaitent discuter des conséquences entre elles, sans les bénéficiaires de cette catégorisation.

Et c’est fortes de cette expertise mise en commun que les minoré.e.s sont à même de réfléchir aux stratégies qui leurs permettront de faire évoluer leur situation subalterne. «Nous pensons être les mieux placées pour saisir les armes de notre émancipation» affirment ainsi les féministes de Mwasi. Et l’histoire l’a montré à plusieurs reprises: les personnes directement affectées par une exclusions sont les plus compétentes pour mener leur propre libération.

Comment une personne blanche peut-elle raisonnablement prétendre qu’elle «comprend» ce qu’on vit alors qu’elle avance en étant allégée de ces pesanteurs?

Sur les réseaux sociaux, j’ai lu de nombreux commentaires offusqués de personnes blanches qui ne supportaient pas l’idée que leur présence n’était –temporairement– pas nécessaire pour parler d’antiracisme.

Dans sa Réflexion sur la question juive en 1946, Jean-Paul Sartre dénonçait déjà cette tendance des majoritaires à ne pas admettre la possible autonomie des minoré.e.s (des Juifs dans ce cas). Dans son texte, le majoritaire paternaliste, qui prétend aider le minoritaire à lutter contre le racisme, est incarné par le «démocrate». Celui-ci «a la crainte que le Juif acquière une “conscience juive”» et nie «la réalité de la question juive, il veut “l‘enfourner dans le creuset démocratique”». Une manière d’interdire au minoritaire de se penser comme tel et cherche à l’inclure de force dans l’indifférenciation de l’universel, à l’assimiler. En résumé, quand «l’antisémite reproche au Juif d’être Juif ; le démocrate lui reprocherait volontiers de se considérer comme Juif».

Je n’avais jamais vu autant de Blanc.he.s désireux.ses de participer à des réunions qui concernent les femmes noires et revendiquer leur légitimité à «comprendre» les effets du racisme.

Lorsque l’on est une femme noire en France, on vit et grandit dans un pays qui ne nous reconnaît pas dans les représentations collectives, qui exotise nos corps, nous discrimine à l’embauche, nous compare parfois à des singes, etc. Cette expérience accumulée au fil des années structure nécessairement notre psychologie et notre rapport au monde. On circule dans la société avec la conscience de sa couleur et de la position sociale qu’elle induit: on n’est pas rassuré quand on voit des policiers s’approcher, on sait exactement pourquoi le vigile nous suit dans les magasins, et il nous faut travailler bien plus que tout le monde pour obtenir bien moins. C’est une conscience qui se développe et nous accompagne quotidiennement. Comment une personne blanche peut-elle raisonnablement prétendre qu’elle «comprend» ce qu’on vit alors qu’elle avance en étant allégée de ces pesanteurs? Si je reçois un coup au visage d’un inconnu dans la rue, mes proches malgré toute leur empathie et leur compassion ne sentiront pas ma douleur. En revanche, une personne qui a reçu le même coup saura exactement ce que je ressens, psychologiquement et physiquement. Et je serai sans doute plus à même d’entendre sa douleur si elle prend une tournure qui pourrait paraître disproportionnée à ceux qui n’ont pas vécu cette violence.

 

Remettre en question ses propres privilèges

Il est fondamental que les antiracistes blancs, qui aspirent véritablement à contribuer à la lutte, admettent le fait qu’elle doit être menée par les premiers concernés. Ils ne les aideront pas en s’imposant contre leur gré. L’histoire des minorités est celle de l’effacement. La non-mixité permet à ces paroles invisibilisées d’exister. C’est pourquoi il est capital que ces rares espaces ne soient pas préemptés par la présence de celles et ceux qui ont déjà accès à l’espace majoritaire.

La remise en question de leurs propres privilèges est la première manière d’être utile pour les dominants. Car si les minorités sont discriminées c’est que les majoritaires bénéficient de leur discrimination: si une Arabe ou un-e Noir se voit refuser un appartement en raison de sa couleur de peau, c’est un Blanc qui l’obtiendra et ce quel que soit son degré d’engagement antiraciste. Renoncer à ces privilèges indus serait déjà un grand pas vers l’égalité.

 

 

SOURCE: La non-mixité, un outil politique indispensable, article écrit par Rokhaya Diallo, publié sur Slate.fr le 2 juin 2017

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Pourquoi est-ce si dur pour les personnes blanches de parler de racisme? https://calimero.transquinquennal.be/pourquoi-est-ce-si-dur-pour-les-personnes-blanches-de-parler-de-racisme/ Mon, 18 Mar 2019 13:47:25 +0000 http://calimero.transquinquennal.be/?p=370 Lire la suitePourquoi est-ce si dur pour les personnes blanches de parler de racisme?]]> La sociologue Robin DiAngelo, l’inventrice de l’expression « Fragilité blanche » détaille son concept.

Premiers jours aux États-Unis. Je suis blanche, vis dans un quartier noir. Mon colocataire tente alors de m’expliquer que je dois diminuer mes comportements racistes et prendre conscience de mes privilèges de blanche. Je me vexe, «je n’ai pas été élevée comme ça, promis». Sans m’en rendre compte, je suis en pleine démonstration de «fragilité blanche».

C’est Robin DiAngelo, sociologue et autrice, qui a conceptualisé cette expression en 2011. Elle explique que les personnes blanches des sociétés occidentales ont grandi et vivent dans un environnement qui les protège de tout stress lié à leur couleur de peau. Leur «fragilité blanche» en résulte, c’est-à-dire qu’un minimum de stress racial devient intolérable, déclenchant des «mouvements de défense»: colère, peur, culpabilité, silence, opposition.

Cela fait vingt ans que la sociologue anime des conférences et ateliers sur la diversité dans différentes entreprises et elle note que les personnes blanches ne savent pas discuter de racisme. Leurs réactions sont souvent les mêmes: elles ont appris «à traiter tout le monde de la même façon», elles «ne voient pas les couleurs», elles se moquent «si vous êtes rose, violet, ou vert». Et forcément, elles tomberont dans l’inévitable «j’ai un ami noir», ou bien feront une comparaison hasardeuse sur la lutte des classes ou le sexisme.

 

Une fragilité constitutive de la société raciste

Dans son nouveau livre White Fragility: Why It’s So Hard for White People to Talk About Racism (Pourquoi c’est si dur pour les personnes blanches de parler de racisme), DiAngelo explique que la société isole les Blancs et Blanches de tout inconfort lié à leur couleur de peau, ce qui provoque de vives réactions, même sur des non-événements comme le fait d’expliquer que la couleur dite chair ne l’est pas forcément pour toutes et tous –voir en France la polémique sur la couleur des pansements. Les personnes blanches ne sont pas habituées à remettre leur couleur de peau en question, la société leur indiquant même qu’elle est synonyme de paix et retenue, elles manquent «d’endurance» pour affronter une conversation sur le racisme, commente la sociologue.

Elle évoque aussi largement le coût social pour une personne noire d’évoquer la «fragilité blanche», expliquant pourquoi certains et certaines ne se risquent plus à pointer les discriminations qu’ils et elles observent. Elles s’attendent la plupart du temps à voir s’exprimer une «solidarité blanche»: les personnes blanches ne se corrigent pas entre elles pour maintenir la paix. Cette fragilité serait constitutive de la société raciste.

DiAngelo, femme blanche, adresse majoritairement son livre aux personnes blanches, en réservant les plus dures critiques aux Blanches et Blancs libéraux –comme elle: «Je pense que les progressistes blancs sont ceux qui causent le plus de dégâts au quotidien aux gens de couleurs.» Car ils refusent d’avouer leur participation au système raciste et «mettent trop d’énergie à prouver à tout le monde qu’ils ont atteint un certain niveau [de non-racisme]», niveau qu’ils pensent que la société a elle-aussi atteint.

Les Blancs et Blanches ont des privilèges, ils profitent d’un système politique et économique construit par et pour eux. Pour l’autrice, tout cela se couple avec la notion «d’innocence de leur race». Les Blancs et Blanches voient les personnes noires comme celles qui en «ont» une, là où la blanchité est l’absence de race. «Je ne vois pas les couleurs» devenant un argument pour dire que la race n’a pas d’importance, s’empêchant à comprendre qu’elle en a.

 

Le racisme se transforme pour résister

Pour Robin DiAngelo, à mesure que la société évolue, le racisme se transforme pour résister. «La plus grande adaptation du racisme dans le temps est l’idée que le racisme est un biais conscient des personnes méchantes.» Cette opposition binaire entre le bien et le mal, portraitisant le racisme comme le diable contrairement aux non-racistes compatissants, est elle-aussi une construction raciste. En fait, les personnes blanches progressistes développent un sentiment très négatif envers le racisme pour éviter d’aider à l’abattre.

Elle s’adresse directement à ses lecteurs et lectrices: «Si votre définition du racisme est celle de quelqu’un qui éprouve consciemment une haine envers des personnes à cause de leur race, je comprends que vous trouviez cela offensant que je suggère que vous soyez raciste sans vous connaitre». Elle leur conseille ensuite de respirer et de lire avec attention sa définition du racisme –bien différente. Le livre tente d’expliquer aux personnes blanches qui se considèrent toutes comme des exceptions qu’elles ne peuvent avoir été exemptées de toute éducation raciste et d’un système construit sur cela.

L’ouvrage appelle à l’humilité, l’éducation, la vigilance et la patience pour combattre un à un ses préjugés intériorisés, que l’on se pense raciste ou non.

 

 

SOURCE: L’inventrice de l’expression « fragilité blanche » détaille son concept, article publié sur Slate.fr, 26 juillet 2018

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L’Observatoire des inégalités https://calimero.transquinquennal.be/observatoire-des-inegalites/ Mon, 18 Mar 2019 13:36:44 +0000 http://calimero.transquinquennal.be/?p=362 Lire la suiteL’Observatoire des inégalités]]> Vers le site: ICI

L’Observatoire belge des inégalités est un média internet sur lequel sont mis en ligne, à disposition de tou.te.s, des articles courts traitant de manière critique des inégalités sociales, rapports de pouvoirs, discriminations et injustices de tous types.

À l’origine de l’Observatoire belge des inégalités, il y a un groupe de personnes, liées à la recherche universitaire et au monde associatif bruxellois, qui partagent une inquiétude face à la persistance et la croissance des inégalités sociales, et le constat d’un manque cruel d’informations à leur sujet.

Notre média est indépendant de toute institution. Ce choix a pour but d’éviter des influences sur nos contenus du fait de contraintes de financement ou de liens institutionnels. Nous sommes tous bénévoles dans ce projet.

Notre objectif n’est pas de défendre un programme politique spécifique, mais de contribuer à la lutte vers une société égalitaire et plus démocratique en présentant des informations factuelles et des analyses sur les inégalités.

Notre volonté est de produire des textes originaux et rigoureux. Cependant, la rigueur des analyses ne veut pas dire leur neutralité. Nous pensons que la neutralité n’existe pas : un phénomène ou un fait est toujours présenté selon un angle d’interprétation particulier. En ce qui nous concerne, nous nous positionnons dans une démarche critique des inégalités et des mécanismes qui les produisent. Nous pouvons, par exemple, porter une évaluation critique sur les politiques qui renforcent les inégalités. Dès lors, nos analyses ne sont pas forcément consensuelles et ne présentent pas spécialement un juste milieu entre les positions des acteurs.

 

Le comité de rédaction,

- Sarah De Laet (géographe)
- Pauline Feron (sociologue)
- François Ghesquière (sociologue)
- Joël Girès (sociologue)
- Barbara Herman (sociologue)
- Françoise Janssens (romaniste)
- Xavier May (économiste)
- Cécile Piret (sociologue)
- Alice Romainville (géographe)
- Gilles Van Hamme (géographe)
- Marie-Ève Cosemans (traductrice)
- David Bastiaens (traducteur)
- Géraldine André (sociologue)
- Rino Noviello (photographe et vidéaste)
- Samantha Smith (sociologue)
- Benjamin Schlüter (économiste)

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BLOG Le Mecxpliqueur https://calimero.transquinquennal.be/blog-le-mecxpliqueur/ Mon, 18 Mar 2019 13:33:22 +0000 http://calimero.transquinquennal.be/?p=359 Le Mecxpliqueur essaye de retourner le phénomène du mansplaining : expliquer aux mecs des choses qu’ils devraient savoir, en espérant ne pas être trop condescendant.

Lien ICI

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À quel point êtes-vous privilégié-e? https://calimero.transquinquennal.be/a-quel-point-etes-vous-privilegie-e/ Mon, 18 Mar 2019 13:27:52 +0000 http://calimero.transquinquennal.be/?p=354

QUIZZ à faire ICI

Publié le 19 Août 2015 sur BuzzFeed
Par Jennifer Padjemi  Rega Jha  Tommy Wesely 
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Penser un féminisme décolonial, une urgence. https://calimero.transquinquennal.be/penser-un-feminisme-decolonial-une-urgence/ Mon, 18 Mar 2019 13:20:19 +0000 http://calimero.transquinquennal.be/?p=348 Lire la suitePenser un féminisme décolonial, une urgence.]]> Une critique de la laïcité et du féminisme dominant
Par Ouardia Derriche

Le corps des musulmanes voilées porte et exprime dans l’espace public européen les tensions multiples qui régissent les rapports entre citoyennes dites minoritaires et citoyennes dites majoritaires. Il interpelle des prescrits admis comme universels comme étant en fait des prescriptions de prescripteurs dominants.

C’est en tant que féministe que j’interviens aujourd’hui : pourquoi le souligner dès l’abord ? Pour rappeler que c’est un titre auquel d’aucun-e-s peuvent prétendre sans qu’on le leur dispute (une simple profession de foi leur suffit) alors que pour d’autres, quasi toute une vie d’engagement féministe ne suffit pas à le leur octroyer sans réserve. Et je fais bien évidemment partie de ces dernier-e-s. Aujourd’hui, ce que je souhaiterais, c’est partager avec vous un questionnement et les quelques éléments que j’ai pu rassembler pour tenter d’y répondre. Le questionnement, douloureux s’il en est pour une féministe racisée comme moi, c’est de se demander pourquoi il semble si difficile, voire presque impossible de penser ensemble le féminisme et l’antiracisme, de penser ensemble l’égalité entre les hommes et les femmes et l’égalité entre toutes les femmes de la planète et enfin de penser ensemble l’émancipation des femmes et l’émancipation des peuples. Ce questionnement s’est donné libre cours pour moi autour et à propos de la fixation sur ces corps hors normes que constituent les corps des musulmanes voilées dans l’espace européen. Dans mon exposé, je me limiterai à l’espace français et belge francophone dans lesquels les réactions à la présence de ces corps dans l’espace public, quoique comportant des nuances importantes liées à des cultures politiques différentes (malgré le sentiment subjectif de proximité culturelle revendiquée par des Belges francophones), figurent cependant parmi les plus crispées.

 

Se départir de l’horizon des « préjugés séculiers-libéraux»

Dans le concert des réactions de type émotionnel, tant chez des femmes que chez des hommes, auxquelles la présence de ces corps de femmes voilées donne lieu, d’aucun-e-s (féministes, laïques et autres femmes et hommes de progrès) ont procédé à de nombreuses tentatives de rationalisation. Celles-ci aboutissent toutefois toutes à la conclusion que cette présence n’a pas lieu d’être, qu’elle est, au choix ou simultanément, le signe d’une régression, une provocation, un danger majeur pour la laïcité/la neutralité, le féminisme, la République. Sans oublier qu’elle constitue un danger pour ces femmes elles-mêmes, susceptibles de perdre dans l’aventure un grand nombre de droits et de libertés qui auraient été, jusque-là et durement, acquis par les luttes des femmes depuis plus d’un siècle. A ce stade, nous pourrions déjà dire, avec Gaston Bachelard : « L’opinion pense mal ; elle ne pense pas ; elle traduit des besoins en connaissances. En désignant des objets par leur utilité, elle s’interdit de les connaître ». Et nous ajouterions, en accord avec Saba Mahmood, qu’il est nécessaire, pour initier une démarche de connaissance sur un univers qui nous est inconnu, d’entrer dans un véritable processus d’apprentissage de l’humilité, de se départir dans ce cas en particulier, de l’« horizon des préjugés séculiers-libéraux »qui limite toute recherche et toute lecture sur l’islam, de se départir des certitudes féministes, du « mode viscéral d’appréhension » qui domine en la matière ; il faut pouvoir s’astreindre à rendre scrupuleusement compte d’un mode de vie qui nous interpelle avant de lui appliquer des catégories étrangères et vouloir le faire disparaître.

Ainsi, la conception laïque occidentale, selon laquelle le lieu propre de la religion et des émotions est la vie intérieure de l’individu est au fondement de la critique faite à ce besoin des musulman-e-s d’afficher des signes extérieurs de leur foi. Or les travaux de l’anthropologue américain Talal Asad ont précisément montré que cette vision du fait religieux était une construction particulière liée à l’histoire propre du monde occidental chrétien et que le monde de l’islam n’entrait pas dans cette vision. C’est ainsi que le port contraignant d’un vêtement particulier ou l’astreinte à des rituels tout aussi contraignants sont des moyens requis et consentis qui permettent, par leur répétition, de construire un habitus au sens aristotélicien du terme, un sens plus proche de celui de performation propre à Judith Butler que de celui de Bourdieu.

De la même manière, la certitude féministe occidentale, suivant laquelle toute démarche d’émancipation par rapport à la norme passe nécessairement par une forme de résistance à la norme, ne fonctionne pas à l’observation dépassionnée que l’on peut porter sur les nombreuses femmes musulmanes qui, dans leur combat pour exister pleinement en tant que femmes musulmanes, tant dans les sociétés musulmanes d’origine que dans les sociétés européennes d’accueil, adoptent un comportement qui se caractériserait plutôt par le fait d’habiter autrement la norme.

En interrogeant toutes les projections qui se focalisent sur ces corps voilés, j’ai tenté d’en esquisser un schéma de compréhension, tout en veillant à articuler étroitement féminisme et antiracisme. C’est dans le cadre de cette démarche que j’ai eu le privilège de découvrir simultanément des travaux d’anthropologues tels que Talal Asad et Saba Mahmood, travaux rangés dans une catégorie appelée études postcoloniales et les réflexions stimulantes développées par des féministes que l’on pourrait appeler elles aussi postcoloniales ou mieux encore décoloniales.

 

Mettre en connexion des problématiques pensées comme antinomiques

En croisant les travaux des un-e-s et des autres et leurs conclusions, il m’est apparu que ce qui était en jeu (et aussi un enjeu), c’est une difficulté, pour ne pas dire une incapacité à penser ensemble, à mettre en connexion une série de questions, de problématiques que l’on a toujours eu l’habitude de penser séparément, voire comme étant totalement antinomiques. Ainsi, si on n’a aucun problème à concevoir l’idée, sinon la réalité, de l’égalité entre les femmes et les hommes, il semble infiniment plus difficile de parvenir à concevoir une égalité entre toutes les femmes, quelles que soient par ailleurs la diversité de leurs caractéristiques et de leurs expériences vécues ou de leurs visions respectives de l’émancipation. Mais il y a également une difficulté, voire une incapacité à concevoir dans un même ordre de perception et dans une coexistence spatio-temporelle des réalités qu’on a tout autant pris l’habitude de considérer comme n’ayant strictement aucune relation entre elles.

Ainsi, il apparaît comme allant de soi que le monde occidental, et l’Europe plus précisément, ait une Histoire, une Histoire perçue et fantasmée comme mue et habitée par la notion de progrès et se déployant comme une marche triomphale vers la liberté et la modernité. Le concept de modernité lui-même, né dans le sillage de cette Histoire, est conçu comme une brillante acquisition des nations européennes, obtenue sans la moindre relation et sans rien devoir à la conquête du Nouveau Monde, à la colonisation de nombreux autres territoires sur d’autres continents, à l’asservissement de leurs peuples et à l’esclavage des peuples noirs d’Afrique subsaharienne.

Ce qui est et reste en effet véritablement de l’ordre de l’impensé (de l’impensable?), c’est le fait que, du dix-septième au dix-neuvième siècles, l’essor des libertés en Europe s’est accompagné de l’essor de l’esclavage et que « ces deux développements contradictoires » sont non seulement « simultanés » mais «étroitement liés et interdépendants.» Ce qui est tout autant évacué, ce sont les crimes et les violences commis à l’intérieur même de l’Europe (l’expulsion des Juifs et des Maures d’Espagne et la violence d’État qui a accompagné l’instauration du capitalisme). En effet, au sein des pays européens eux-mêmes, l’essor du capitalisme, car c’est bien de cela qu’il s’agit, s’est réalisé sur la base de la dislocation violente des communautés villageoises européennes, de la privatisation (via les « enclosures » au profit de la gentry européenne et internationale de l’époque) des biens qui étaient jusque-là propriété commune des paysans et de l’« émancipation » de ces derniers d’un statut de paysan attaché à une terre à celui de prolétaire sans ressources et sans droits.

A ce stade, il convient de rappeler aussi, avec Silvia Federici, que pour arriver à leurs fins, les tenants du nouveau paradigme socio-économique (Églises et élites des États nations naissants européens) ont parallèlement procédé à une violente chasse aux sorcières qui a littéralement embrasé l’Europe pendant plus de 200 ans, de la fin du quinzième siècle au dix-septième siècle, et qui a permis de réduire la résistance des communautés paysannes en les ciblant à leur cœur : leurs femmes, coupables de s’opposer fermement à l’éclatement de leurs communautés dans lesquelles elles détenaient de nombreux savoirs et pouvoirs (dont le savoir et le pouvoir sur la reproduction) et, en dépit du fait que c’étaient des univers sexistes, elles avaient infiniment plus de prérogatives et de libertés qu’elles n’en ont gardé, une fois le capitalisme installé. Et avec celui-ci, était parallèlement instauré  un nouvel ordre patriarcal, où le corps des femmes, leur travail, leurs pouvoirs sexuels et reproductifs seraient placés sous le contrôle de l’État et transformés en une ressource économique.

C’est d’ailleurs le même type de mésaventure qu’ont subie les femmes de la plupart des terres conquises hors d’Europe, que ce soit celles d’Amérique latine, des colonies d’Afrique du Nord ou du sous-continent indien, l’Europe « émancipatrice » a généralement fait reculer le statut des hommes, cela va de soi, mais par la même occasion et plus drastiquement encore, celui des femmes.

 

Déconstruire la matrice coloniale et décoloniser les esprits

Ce rappel du passé permet de remettre en avant une constante dans l’histoire de l’Europe, de la fin du quinzième siècle jusqu’à nos jours, c’est la tendance, face au reste du monde, à se représenter comme monde à elle toute seule, à se penser comme sujet hégémonique de tout savoir et de toute discipline, à travailler sur le reste du monde comme objet de connaissance et à penser ses savoirs, ses discours et ses idéaux comme frappés au coin de l’autorité de l’universalisme qui s’impose alors souverainement, par diffusion, au reste du monde quasi entièrement constitué d’ailleurs, jusqu’il y a peu, de ses empires coloniaux.

Tout cela n’a pas manqué de marquer durablement les esprits des Européens et des Européennes et la décolonisation politique et matérielle relative des anciennes possessions territoriales européennes ne s’est guère accompagnée, hélas, d’une décolonisation des esprits et ce, des deux côtés de la frontière symbolique. De ce côté-ci de la frontière, cela se traduit par la persistance, le plus souvent inconsciente, mais véritablement indurée et enkystée, parce que profondément intériorisée dans les esprits et les mentalités, d’une structuration hiérarchique binaire du monde et des peuples. A l’Europe, les Lumières et la civilisation, les Droits de l’Homme et même, tant qu’à faire, l’égalité sexuelle ; au reste du monde, les divers degrés de l’arriération, voire dans certains cas, de la barbarie. Cet imaginaire proprement colonial a été notamment illustré à un haut niveau de « scientificité », par la théorie du clash des civilisations, théorie produite hors d’Europe mais qui y a néanmoins rencontré un franc succès. Selon cette théorie, le dernier degré de l’arriération serait l’apanage du monde musulman dont les ressortissants, quoique présents en tant que citoyens dans nos univers « modernes » et « civilisés », seraient et resteraient cependant des ferments irréductibles d’altérité immuable et immobile. En effet, considérez leur attachement réactionnaire au religieux et leur sexisme indécrottable par opposition à notre laïcité/neutralité éclairées et à notre égalité sexuelle, voire notre féminisme devenus, depuis peu et opportunément, valeurs fondamentales et non négociables de nos sociétés.

Il y a ainsi, dans les mouvements de femmes mainstream, une réelle incapacité à imaginer une quelconque communauté de destin avec les femmes de ces groupes discriminés, marginalisés, perpétuellement pensés comme des nouveaux-venus alors que, pour certain-e-s d’entre eux-elles, ils et elles sont là depuis près d’un siècle ! En effet, les Algérien-ne-s, par exemple, sont présents en France depuis la fin de la Première Guerre mondiale ! Cette matrice coloniale continue d’habiter les esprits et de structurer jusqu’aux mouvements d’émancipation européens eux-mêmes, partis et syndicats « progressistes » inclus. Et le féminisme mainstream n’y échappe pas plus que les autres. Ce que j’entends par féminisme mainstream, c’est le féminisme bourgeois tel qu’il s’est peu à peu profilé au lendemain de l’institutionnalisation du mouvement des femmes en Belgique, en se détachant peu à peu des préoccupations sociales qui étaient jusque-là les siennes. Et c’est le féminisme qui a été peu à peu médiatisé et popularisé, partout ailleurs en Europe au lendemain du 11 septembre 2001, lorsque la majeure partie de la classe politique et médiatique, femmes et hommes confondus, s’est découverte féministe pour s’opposer à ces ressortissant-e-s de cultures arriérées, qui avaient le front de vouloir afficher, dans un environnement sécularisé, des symboles de conviction religieuse, lesquels n’étaient en fait que des signes avérés de soumission éhontée de leurs femmes. Tou-te-s ces féministes, fraîchement autoproclamé-e-s pour nombre d’entre eux-elles, alors qu’ils et elles étaient jusque-là au mieux indifférent-e-s, ou pire, farouchement opposé-e-s à l’égalité sexuelle, en ont soudain fait, par un véritable tour de passe-passe, une valeur constitutive et non négociable du patrimoine historique européen.

 

Travailler à une critique féministe de la mondialisation passée et présente

Dans la réalité, les mouvements de femmes sont caractérisés par une grande diversité et leurs conceptions sont plus nuancées mais ce qui en apparaît dans les médias et ce qui en est largement relayé et qui fait donc communément sens et loi, c’est la tendance lourde signalée ci-dessus. Qui connaît, par exemple, les positions solidaires et antiracistes du Vrouwen Overleg Komitee ? En tous cas, pas les médias mainstream, qui ne leur font guère écho dans leurs rubriques. Les femmes du VOK elles-mêmes ont d’ailleurs dénoncé le hijacking néolibéral et conservateur du féminisme.

Diane Lamoureux, féministe québécoise décoloniale, le rappelle: A ses débuts, le féminisme a entrepris de critiquer l’androcentrisme des disciplines académiques, insistant sur le fait que les femmes étaient absentes de la fabrication de la connaissance, d’une part, et que leur expérience soit n’était pas prise en compte dans l’élaboration des diverses disciplines universitaires, soit était ramenée à une déviation par rapport à la norme de l’humain qui demeurait masculine, de l’autre. En même temps, dans un premier temps à tout le moins, les réflexions féministes ont largement pris appui sur l’expérience des femmes blanches, scolarisées, de classe moyenne, hétérosexuelle des pays occidentaux.

Ce que Diane Lamoureux met ainsi en lumière, ce sont les caractéristiques particulières de l’apparition du féminisme en Occident, c’est sa contextualisation. En effet, trop souvent, l’histoire du féminisme occidental n’est pas reliée à ses conditions d’apparition. L’une d’entre elles est d’autre part incontestablement la forte croissance économique des Trente Glorieuses, qui a permis d’obtenir un niveau inégalé de bien-être matériel en Occident. Et là aussi, c’est le déni de la dimension coloniale et impériale qui a servi de support tant à la constitution de la démocratie dans les Etats nations européens qu’à la naissance du féminisme : c’est grâce à l’extorsion des ressources dans les colonies et à la réduction à la misère de leurs peuples spoliés, pour lesquels ces « trente glorieuses » furent tout aussi incontestablement les « trente odieuses », que ce niveau de bien-être inégalé a été acquis. Une critique féministe de la mondialisation passée et présente reste encore largement à élaborer et reste surtout à traduire dans les actions féministes. A ma connaissance, les travaux de Silvia Federici sont une heureuse exception. Et à l’intérieur des pays européens, aujourd’hui, c’est le même déni de la dimension néocoloniale de construction de l’altérité qui est à l’œuvre à l’égard des groupes exclus ou racialisés, pour l’essentiel des citoyens issus de ou descendants des peuples des territoires des anciens empires coloniaux européens.

 

La laïcité, une idéologie défensive d’un groupe « rentier »

Le concept de laïcité, qui est un autre fleuron de l’héritage européen, n’est pas non plus exempt de critiques. En effet, si la laïcité d’hier portait un projet émancipateur séparant les Eglises et l’État, promouvant l’égalité des citoyens (c’est-à-dire les hommes français, pas les femmes et encore moins les colonisés !) et protégeant les libertés individuelles, elle est trop souvent invoquée aujourd’hui pour repousser les populations venues du Sud et leurs cultures, pour faire barrage à l’islam tout en s’accommodant fort bien d’un christianisme sécularisé.

Aujourd’hui, si une minorité de bons élèves peuvent encore continuer à se prévaloir des vertus de l’élitisme républicain français, la majorité des autres en sont exclus, promis qu’ils sont au chômage et à la précarité et au discrédit social qui les accompagnent. Dans une telle situation, la laïcité devient une pure idéologie inopérante et n’est plus qu’un instrument de domination qui invalide, en les dévalorisant, les cultures et les identités des autres, c’est-à-dire des surnuméraires auxquels la société néolibérale n’a plus aucune place à offrir en son sein. La neutralité laïque contraint les enfants des diverses immigrations à laisser leurs cultures et leurs identités au vestiaire, pendant que les enfants de la classe moyenne supérieure voient les leurs validées et valorisées par l’école. Devant cet état de fait, certains défendent l’idée d’un dévoiement du projet laïque original, qui ne comporterait pas au départ cette dimension de transformation d’un idéal d’émancipation des individus en idéologie défensive d’un groupe devenu « rentier de la laïcité ».

Oui, la laïcité à la française a constitué un projet révolutionnaire de construction nationale et un projet civique éducatif et moral ; oui, elle a permis à de nombreux individus d’expérimenter une voie d’émancipation en les libérant entre autres de l’obligation de croire et des assignations traditionnelles. Ce faisant, elle a néanmoins installé un nouvel ordre national et moral. Et l’instauration de cet ordre s’est réalisée au prix non seulement de l’éradication violente des langues et des cultures régionales mais aussi au travers d’une politique nationaliste et colonialiste et d’une hiérarchisation des cultures et des identités, y compris au sein du territoire national, dans le cadre d’une vision évolutionniste et scientiste du progrès. Et pas davantage hier qu’aujourd’hui, cela n’a empêché la xénophobie envers les migrants européens, tenus eux aussi en leur temps pour inassimilables, et le racisme pur et dur envers les colonisés tenus, eux, enfermés dans leur infériorité « primitive » irréductible. Ce qui a changé depuis, c’est que la laïcité a quelque peu perdu de son aura progressiste et surtout, de son pouvoir d’enchantement parce que la France n’est plus la grande nation de la Révolution. Aujourd’hui, la laïcité n’est plus qu’une façon, pour les « Français de souche », de défendre leur identité malmenée, bien que toujours dominante, dans un environnement national où ils se sentent « débordés » par leurs « nouveaux » concitoyens issus des diverses immigrations, et dans un environnement international où la France a perdu la position de prééminence qui était la sienne au temps de son immense empire colonial.

 

« Provincialiser » l’Europe et reformuler un projet d’émancipation féministe global

C’est un véritable renversement de paradigme qui est donc en jeu aujourd’hui. Il est apparu à partir du moment où la France et avec elle l’Europe ne sont plus le centre du monde, non seulement sur le plan économique ou politique, mais surtout du fait de l’apparition d’une pensée originaire des pays du tiers monde, qui récuse la prétention à l’universalité apparue en Europe au temps où celle-ci dominait le monde. Dans le cadre de ce nouvel esprit, il s’agit de « provincialiser l’Europe » et pour celle-ci, de s’ouvrir aux pensées critiques qui émergent du reste du monde et de les confronter aux siennes afin de co-construire des savoirs communs dans un monde unifié.

En tant que féministes, il nous faut, nous aussi, porter un questionnement autocritique permanent sur nos propres savoirs, discours et pratiques ; il s’agit pour nous de faire un véritable effort de décentrement, de nous ouvrir aux féminismes « des marges » et à leurs apports théoriques (Black Feminism et féminisme musulman), non seulement pour comprendre la réalité des femmes noires et musulmanes mais plus fondamentalement pour reformuler théoriquement le projet d’émancipation féministe global. En bref, il est urgent de penser un féminisme postcolonial ou mieux encore, décolonial, un féminisme inclusif par le dialogue respectueux avec les autres femmes du monde entier.

Aujourd’hui, au moment où les mouvements sociaux reprennent timidement l’offensive et où il semble clair que la mainmise néolibérale sur nos sociétés se traduit par la remise en question des droits acquis du plus grand nombre, et singulièrement des femmes, il est temps de se rendre compte que la régression des libertés politiques, économiques mais aussi reproductives et sexuelles des femmes ne doit pas être masquée et occultée par une rhétorique néocoloniale qui nous fait croire que l’égalité est déjà là et que ce sont les femmes racisées originaires du Sud qui la mettent en danger. Aujourd’hui, nous pensons, en accord avec Diane Lamoureux, que le Sud est le laboratoire social du Nord et que nous devons en être conscientes et rester vigilantes afin de nourrir des luttes communes en matière de justice sociale, en parallèle avec les luttes contre les inégalités entre les femmes et les hommes. La Marche mondiale des femmes est un exemple d’intégration des deux types de luttes : une lutte pour la démocratie participative sur le plan local et pour la solidarité sur le plan international.

En conclusion, nous dirons avec Wendy Brown que, plus que jamais, il nous faut réfléchir « simultanément » à plusieurs niveaux et en abordant plusieurs problèmes à la fois, comme celui de la violence contre les femmes, de la persistance d’un discours colonial sur la race et la religion, de la normativité hétérosexuelle, de l’approche néolibérale de la vie quotidienne, de l’appropriation des Etats par le capital financier, le fait que le discours universel sur les droits humains soit souvent un instrument de suprématie pour la civilisation occidentale, le problème enfin de l’existence d’un ordre économique dont l’impératif est la croissance et le profit, mais jamais une planète durable, ni les besoins d’une vie qui ait un sens. Nous avons du pain sur la planche !

 

SOURCE: Penser un féminisme décolonial, une urgence. Article publié sur CNP News.
Cette contribution a été présentée par la sociologue belgo-algérienne Ouardia DERRICHE dans le cadre du colloque Unruly Bodies de Sophia, réseau bi-communautaire belge d’études femmes, le 30 octobre 2015.

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120+ exemples du privilège masculin dans la vie de tous les jours https://calimero.transquinquennal.be/120-exemples-du-privilege-masculin-dans-la-vie-de-tous-les-jours/ Mon, 18 Mar 2019 10:38:09 +0000 http://calimero.transquinquennal.be/?p=127 Lire la suite120+ exemples du privilège masculin dans la vie de tous les jours]]> En tant qu’homme, qu’est-ce que ça veut dire l’égalité des genres pour toi ?

Parce que, bien que l’égalité soit un but louable, l’égalité au nom de l’égalité est de loin moins importante que la justice – au nom de la libération.

En nommant le problème, nous ne disons pas simplement « c’est mal, changeons tout ça ». A la place, nous t’invitons à considérer l’impact de l’inégalité des genres sur ta vie, et nous t’encourageons à provoquer un changement, pour toi et ta communauté.

Actuellement, nos attentes culturelles, notre système législatif, nos programmes sociaux travaillent à conserver une hiérarchie qui place constamment les hommes en haut de l’échelle sociale. Par conséquent, les hommes réussissent, s’élèvent et profitent au détriment de tous les autres genres. C’est ce qu’on appelle le privilège masculin. 

Mais le problème avec le privilège masculin, c’est que ça fait du mal à tout le monde, y compris à toi. Parce que profiter du privilège masculin requiert souvent de se conformer à une norme toxique de masculinité.

Tu sais cette norme – l’idée que les seuls « vrais mecs » sont ceux qui ne montrent pas leurs émotions, qui accordent une valeur suprême au sport et à la force physique, qui n’appellent pas à l’aide quand ils en ont besoin.

Et tu sais probablement aussi qu’aucun homme ne rentre complètement dans cette case étroite, mais aussi que notre société ne pardonne pas à ceux qui ne correspondent pas assez à ce qu’ils sont « censés » être.

Cette masculinité traditionnelle est pourtant celle qui est récompensée par des privilèges. Nous devons dénoncer ces récompenses dans le but de libérer tout le monde du piège vicieux de ces boîtes oppressives dans lesquelles la société tente de nous mettre.

Profiter du privilège masculin ne signifie pas que tu es une mauvaise personne, et reconnaître ce privilège ne signifie pas que tu ne mérites pas le bonheur.

Mais une fois que tu comprends que ces avantages, souvent invisibles, souvent minimes, ne sont pas accessibles à tout le monde, tu pourras voir pourquoi parler de privilège permet de reconnaître que les personnes de tous les genres méritent un accès égal au respect basique de notre humanité. J’en reparle à la fin de l’article, mais pour l’instant, je finirai en disant que je suis heureuse que tu fasses le premier pas vers le changement en lisant cet article et en le partageant avec d’autres hommes et garçons autour de toi.

Sans plus attendre, dénonçons ces exemples de privilège masculin. Nous méritons ce changement !

Normes Sociales

1. En tant qu’homme, tu peux dominer la conversation sans être jugé. Les femmes sont perçue comme « trop bavardes » même quand elles parlent moins. Une étude montre que les femmes doivent représenter 60 à 80% d’un groupe pour avoir un temps de parole égal aux hommes dans une conversation.

2. Tu as moins de risque d’être interrompu quand tu parles – des études sur des hommes et des femmes ont montré que les deux genres interrompent les femmes plus que les hommes.

3. On ne suppose pas d’emblée que tu ne sais pas de quoi tu parles, et tu es moins sujet au mansplaining (c’est-à-dire être interrompu.e par un homme pour qu’il répète exactement ce que tu viens de dire ou parle à ta place d’un sujet que tu connais mieux – souvent avec condescendance).

4. Le vocabulaire courant favorise ton genre comme le genre par défaut, avec des mots comme « les Hommes » (pour l’humanité en général), « homme d’affaires » ou « homme politique » ou des noms de métier qui sont inféminisables.

5. On n’attend pas de toi que tu dises moins de gros mots, que tu t’excuses plus, ou d’autres comportements dits « féminins » qui renforcent le stéréotype selon lequel ton genre doit être délicat et soumis.

6. On n’attend pas de toi que tu te décales quand une personne d’un autre genre est sur ton chemin.

7. Les normes sociales te permettent de prendre plus d’espace, physiquement parlant : tes grognements et tes bras écartés dans le visage de ta voisine à la salle de sport, ou tes jambes écartées dans le métro au point de prendre deux places n’étonnent personne.

8. C’est très rare que des étrangers attendent de toi que tu souries.

9. Tu peux négliger certains détails de ton apparence quand tu pars en voyage, comme par exemple avoir une « barbe de voyageur », sans que l’on te juge parce que tu n’as pas « pris soin de toi » et rasé tes jambes.

10. Tu peux acheter des vêtements avec des poches que tu peux vraiment utiliser – la plupart des vêtements féminins ont des poches purement décoratives.

11. Tu peux acheter une voiture sans que les vendeurs pensent qu’on peut profiter de toi. Tu as même des chances d’obtenir un meilleur prix qu’une femme.

12. Tu peux recevoir des éloges pour des tâches ordinaires de parent ou parce que tu es un père célibataire, tandis qu’on attend des mères qu’elles effectuent ces tâches, et qu’elles sont souvent critiquées quand elles élèvent leurs enfants seules.

13. Personne ne dit que tu vas contre ton « instinct naturel » ou que tu n’accomplis pas ton rôle dans la société quand tu dis que tu ne veux pas d’enfants.

14. Tu peux être expansif ou parler de ta vie et de tes choix sans qu’on dise que tu « cherches à attirer l’attention ».

15. Tu peux avoir des hobbies « masculins » comme le sport sans qu’on dise que tu cherches juste à impressionner les hommes.

Sexe et relations

16. En tant qu’homme, il est plus probable que l’on te félicite pour tes nombreuses relations sexuelles, plutôt que l’on te traite de « salope ».

17. On ne te traite pas de « salope » pour des choses qui n’ont même rien à voir avec ta vie sexuelle, comme ta façon de t’habiller ou les formes de ton corps.

18. On ne te traite pas de « prude » ou de « coincé » quand tu choisis prudemment les personnes avec qui tu veux coucher.

19. On ne t’apprend pas que ta sexualité existe seulement pour autrui,et tu n’es pas stigmatisé parce que tu te masturbes.

20. Les médias, les conseils sur le sexe et la définition du sexe se concentrent avant tout sur ton plaisir, surtout si tu es hétérosexuel et cisgenre (ton genre correspond au genre qui t’a été assigné à la naissance).

21. L’éducation sexuelle à l’école, la religion et autres institutions donnant une définition normative du sexe ne traitent pas ton genre comme plus sale, impur, ou indésirable quand tu perds ta virginité.

22. La majorité de la production pornographique vise ton genre (ce qui crée des idées bien néfastes sur les femmes et les autres genres)

23. Tu peux dire que tu aimes le sexe sans que ton interlocuteur le prenne pour une invitation à coucher avec toi.

24. Tu peux changer ton apparence, comme une nouvelle coupe de cheveux, sans qu’on s’imagine immédiatement que tu le fais pour plaire aux hommes.

25. Les gens ne se font pas d’idées fausses sur toi si tu ne veux pas te marier – ou insistent que tu dois mentir, ou te mettent en garde parce que « l’horloge tourne ».

26. On n’attend pas de toi que tu changes ton nom en te mariant, et personne ne te pose de questions si tu ne le fais pas .

27.Tu peux t’exprimer avec ton corps ou sur ta sexualité dans une conversation, en art, en musique etc., sans qu’on t’accuse « d’utiliser ton corps pour réussir ».

28. Tu peux prendre part à des activités sexuelles alternatives, comme le plan à trois ou le BDSM, sans qu’on te traite de « salope » ou qu’on pense que tu ne contrôles pas tes choix.

29.  Tu peux avoir plusieurs partenaires (sexuel.le.s ou amoureux.ses) en même temps sans qu’on t’accuse d’aller contre ta « nature ».

30. Si tu es en couple avec quelqu’un d’un autre genre, personne n’attend de toi que tu te charges du travail affectif dans le couple.

31. Se marier avec quelqu’un d’un autre genre ne signifie pas plus de ménage pour toi (des études montrent qu’un mari ajoute en moyenne 7h de ménage par semaine à sa femme).

Harcèlement et violence

32. En tant qu’homme, tu as moins de risque d’être la cible de harcèlement de rue. La majorité des femmes ont été victimes de harcèlement de rue dans leur vie, et la plupart des hommes victimes sont queer ou gender non-conforming (c’est-à-dire qu’il n’apparaissent pas au premier coup d’oeil comme « hommes » et ne respectent pas les normes du genre).

33. Tu peux échanger un sourire ou un bonjour avec un étranger dans la rue, sans que cette personne le prenne comme une invitation à te draguer.

34. Tu peux repousser un.e prétendant.e sans t’inquiéter d’être attaqué verbalement ou physiquement.

35. Tu peux boire un verre seul au bar sans te faire déranger. Même chose pour tous les espaces publiques d’ailleurs (cafés, librairies, concerts etc.)

36. Tu peux voyager seul sans t’inquiéter des violences possibles à ton encontre.

37. Tu as moins de risque de faire l’expérience de violences au sein du couple.

38. Tu as moins de risque d’être suivi ou stalké.

39. Tu as moins de risque d’être la victime de revenge porn (c’est à dire la diffusion sans ton consentement d’images ou vidéos à caractère sexuel par ton partenaire après une rupture, dans le but de se venger).

40. Tu as moins de risque de te faire violer, surtout si tu ne vas jamais en prison.

41. Tu as moins de risque d’être sans abri à cause de violences conjugales. La moitié des femmes et enfants vivant dans la rue aux Etats-Unis fuient les violences au sein de la famille.

42. Tu as moins de risque d’être blessé physiquement par un partenaire. La violence au sein du couple est la première cause de blessure chez les femmes, plus que les accidents de voiture, les vols et les viols.

43. Tu as moins de risque d’être tué par un partenaire. Des études estiment qu’entre 40 et 70% des femmes qui sont victimes de meurtres sont tuées par un mari ou un amant.

44. Tu peux profiter de la fête sans que l’on te tienne responsable en cas d’agression sexuelle.

45. Tu as moins de risque qu’on te tienne responsable de ta propre agression sexuelle en fonction de ce que tu portais.

46. Tu peux boire un verre à une fête sans craindre que quelqu’un ait mis quelque chose dans ton verre.

47. Dans les campagnes de prévention contre le viol, on ne te demande pas d’être vigilant à ne pas perpétuer la violence sexuelle – à la place, on fait porter aux femmes la responsabilité d’éviter d’être victimes.

Corps et santé

48. Tu peux vieillir naturellement sans qu’on considère que tu « te laisses aller » si tes cheveux deviennent gris, que tu prends du poids, ou que tu as des rides.

49. On considère que ton genre « s’améliore avec l’âge » alors que les femmes sont considérées comme moins désirables.

50. Tu as moins la pression d’être mince, et être gros a moins de conséquences sociales et économiques pour toi que pour une femme.

51. On n’attend pas de toi que tu manges moins.

52. Les médecins te prennent plus au sérieux quand tu leur expliques tes symptômes.

53. La recherche médicale ignore souvent les femmes ou estiment que les symptômes des hommes sont les symptômes de tou.te.s : par exemple pour les crises cardiaques.

54. Il y a moins de risques que tes symptômes ou douleurs physiques soient attribués à des causes psychologiques. Par exemple, quand un homme et une femme avec des symptômes identiques mentionnent du stress, les médecins ont tendance à ignorer les symptômes de maladie cardiaque chez la femme.

55. Pour des maladies qui affectent plus ton genre, tu n’as pas à faire face au scepticisme de ceux qui pensent que ce n’est pas « une vraie maladie ». Ainsi, la fibromyalgie ou la fatigue chronique ont longtemps été considérées comme de symptômes de dépression.

56. Tes problèmes psychologiques ne sont pas immédiatement assimilés à de « l’hystérie » ou à de la « sensiblerie ».

57. Tu peux montrer tes tétons en public, et tu as moins de risque d’être harcelé en général quand tu montres ta peau.

58. Personne ne te juge si tu gardes tes poils.

59. Tu peux transpirer sans être jugé (les médias montrent beaucoup plus souvent des hommes transpirant pendant le sport que des femmes).

Médias

60. Ton genre domine les institutions médiatiques influentes, comme les Oscars, dont le jury est à 77% masculin.

61. La fiction peut décrire la vie banale, quotidienne de ton genre sans être taxée de « littérature d’hommes » et être moins prise au sérieux que la « vraie » littérature.

62. Tu as plus de chance d’être publié.

63. Les personnages de films de ton genre ont plus de dialogues, et des dialogues plus profonds. Voir le Bechdel Test.

64. Les personnages de ton genre savent plus souvent quoi faire – combien de fois voit-on une femme dans un film demander « et maintenant, on fait quoi? » ?

65. Les athlètes et acteurs de ton genre sont respectés pour ce qu’ils font – et pas pour leur apparence ou leurs vêtements.

66. Tu peux facilement regarder du sport avec des athlètes de ton genre, parce que le sport masculin est beaucoup plus diffusé que le sport féminin.

67. La pub a beaucoup moins tendance à te représenter comme un objet ou un outil de plaisir pour l’autre genre, comme c’est le cas pour les femmes.

68. Les films romantiques ne représentent pas le harcèlement d’un personnage de ton genre comme un mignon signe d’affection.

69. Les humoristes de ton genre ne sont pas considérés comme universellement « pas drôles ».

70. Tu peux aller sur internet sans être harcelé.

71. Tu peux être un gamer sans être harcelé et menacé.

72. Dans les jeux vidéos, tu peux jouer des personnages de ton genre qui ne sont pas hypersexualisés.

73. Ton genre est plus représenté dans les films : les femmes représentent 12% des rôles principaux, 29% des personnages importants, et 30% des personnages parlants dans les 100 plus gros succès au cinéma.

74. Les personnes de ton genre dans les médias peuvent vieillir sans être jugées. Les femmes dans les industries de la mode, du cinéma ou du journalisme TV ont plus de risque d’être mises dehors en vieillissant.

Droit et Politique

75. Un candidat politique masculin n’est pas soumis au regard inquisiteur des médias visant à prouver qu’il n’a pas l’étoffe d’un leader.

76. Un candidat politique masculin n’est pas plus jugé sur son apparence que sur ses compétences.

77. Un candidat politique masculin ne sera pas pénalisé par l’idée qu’il ne peut pas équilibrer vie privée et vie publique.

78. On ne dit pas des hommes politiques que leurs capacités sont affectées par des causes physiologiques, comme les règles.

79. La fiction a tendance à plus souvent représenter des hommes en position de leader, ce qui donne l’impression que tu es né pour commander.

80. Ce ne sont pas des personnes d’un genre différent du tien qui décident ce que tu fais de ton corps.

81. Il y a plus de législateurs de ton genre qui décident des règles selon lesquelles nous devons vivre.

82.  Tu peux avoir des opinions politiques fortes sans qu’on te traite de « bornée » ou de « feminazi ».

Travail et Economie

83. En tant qu’homme, tu peux choisir d’avoir une carrière et une famille sans que les gens pensent que c’est difficile ou inhabituel.

84. On ne dit pas que tu vas « contre ta nature » si tu choisis d’avoir une carrière et pas d’enfants.

85. Tu es mieux payé.

86. Tu obtiens plus facilement des financements pour tes projets ou tes équipements.

87. Tu peux demander une augmentation ou une promotion sans être considéré comme « agressif ».

88. On ne considère pas que tu n’es « pas à ta place » dans les métiers les mieux payés, comme par exemple quand une femme docteur est prise pour une infirmière, ou une avocate pour une secrétaire.

89. Tu es moins susceptible d’être prisonnier d’une relation abusive pour des raisons financières.

90. Certaines situations d’abus, comme par exemple le chantage financier ou la dépendance financière, ne sont pas reconnues ou passent inaperçues pour les femmes car les hommes sont traditionnellement ceux qui subviennent aux besoins.

91. Tu bénéficies plus du networking et du piston.

92. Tu as moins de risque d’être pénalisé si tu n’acceptes pas le harcèlement sexuel ou la misogynie de tes collègues.

93. Si tu es dépensier, ce n’est pas attribué à ton genre.

94. Tu peux être énervé ou triste au travail sans que les gens l’attribuent à des « hormones » ou à de « l’hypersensitivité »

95. Tes échecs ou erreurs au travail ne sont pas vues comme une preuve que les personnes de ton genre ne devraient pas faire ce métier. C’est particulièrement visible dans les milieux majoritairement masculins ou les postes hiérarchiques supérieurs.

96. On ne te charge pas systématiquement des tâches censées être « féminines », comme décorer le bureau pour la fête de l’entreprise.

97. On s’adresse à toi avec respect sur ton lieu de travail, sans utiliser de vocabulaire infantilisant ou intellectuellement dégradant, comme « la fille du 4e », « poupée » ou « mon petit ».

98. Tu n’es pas pris dans le double standard qui présente les femmes comme dépendantes et incapables de s’occuper d’elles-mêmes, mais qui dénigre les femmes indépendantes.

99. On se souviendra plus de toi pour ton travail et tes réussites, que pour tes robes ou ton mari.

100. Ton genre est plus représenté aux postes les mieux payés. Les femmes représentent 5% des PDG les plus riches du monde.

101. On reconnaît tes talents dans les milieux techniques. Une étude a ainsi montré que les logiciels codés par des programmeuses recevait de meilleures notes – jusqu’à ce qu’elles révèlent leur genre.

102. Tu as plus de chance que des journalistes ou des chercheurs en science politique cite tes travaux.

103. Un employeur ne dira jamais qu’il n’a pas employé une personne de ton genre parce qu’il n’y avait « aucun candidat qualifié ».

Enfance et Education

104. Les jouets que tu reçois sont plus souvent éducatifs, visant à développer des aptitudes, et te laissant imaginer un spectre plus large de carrières et d’opportunités. Contrairement aux jouets pour filles, où il s’agit la plupart du temps de beauté, de ménage ou d’enfants.

105. Tu peux t’affirmer sans qu’on te dise « ne sois pas trop autoritaire » ou « arrête de vouloir commander ».

106. Les adultes te complimentent plus pour tes capacités que pour ton apparence.

107. Tes notes ne dépendent pas de ton apparence – des études montrent qu’on donne de meilleures notes aux filles quand elles sont jolies, ce qui renforce l’idée que leur valeur est dans leur apparence plus que dans leur intelligence.

108. Tu reçois plus d’attention de la part de tes professeurs, comme des commentaires plus étoffés qui te permettent de t’améliorer.

109. Ton comportement énergique ou créatif est encouragé, alors qu’on apprend aux filles à être calmes et réservées.

110. On ne te dit pas que tu es forcément mauvais en maths ou en science à cause de ton genre.

111. Personne n’estime que ta sexualité appartient aux personnes de l’autre genre en disant des choses comme « tu es si jolie, tu vas causer du souci à ton père en grandissant ».

112. Tu n’as pas grandi en pensant que ton genre est naturellement plus délicat ou faible avec des phrases comme « tu lances comme une fille ».

113. A l’université, on te juge plus cultivé.

114.A l’université, les professeurs répondent plus à tes questions et à tes mails.

115. A l’école, tu apprends des choses sur les contributions de personnes de ton genre au monde sans avoir besoin de prendre des options ou des cours d’études de genre.

Religion (Ou son absence)

116. Si tu es croyant, tu as beaucoup plus de chance que le chef de ta religion soit de ton genre.

117. Si tu es croyant, on ne pense pas de toi que tu es incapable de choisir toi-même ta religion et tes pratiques, comme ceux qui veulent « sauver » les femmes musulmanes par exemple.

118. Si tu es croyant, personne n’attribue cela à « l’irrationalité » de ton genre ou à une naturelle inaptitude scientifique.

119. Si tu es croyant, les textes saints de ta religion ne sont pas interprété d’une manière qui justifie la maltraitance des personnes de ton genre, ou qui ignore les passages qui présentent ton genre sous un jour positif.

120. Si tu n’es pas croyant, tu n’es pas exclu de l’athéisme sous prétexte que la « rationalité » n’est pas une caractéristique de ton genre.

121. Les dieux et autre figures religieuses sont souvent représentées sous des traits masculins.

Le privilège masculin est réel, mais il apparaît différemment pour différents hommes. 

Une liste de privilèges toute seule vous donne des exemples de ce à quoi ressemble le privilège, mais ce n’est pas une explication complète de ce qu’il implique vraiment. Donc, maintenant que nous avons exploré tous ces exemples, éclaircissons certains points.

Les exemples de privilèges masculins montrent comme le patriarcat apparaît – mais ils ne sont pas des représentations de la vie de chaque homme à chaque moment.

Simplement, c’est plus probable que tu bénéficies de ces avantages si tu es un homme, parce qu’ils sont soutenus par le système patriarcal.

Et tout comme le patriarcat n’existe pas ex-nihilo, il y a d’autres systèmes d’oppression qui affectent de manière différente des hommes différents.

Un homme marchant la nuit dans la rue a généralement le privilège de ne pas avoir à se soucier du harcèlement ou d’autres violences qui visent les femmes.

Mais un homme de couleur doit parfois faire face à des violences liées à sa couleur de peau. Un homme handicapé peut être la cible de moquerie ou de brutalités policières. Un homme gay peut être la cible de violences homophobes.

Ces exemples n’invalident pas l’existence du privilège masculin, mais ils montrent pourquoi le contexte de l’intersectionnalité, c’est-à-dire la manière dont différentes formes d’oppression systémique se croisent, est important.

Il est également important de noter que de nombreuses conversations et recherches sur le privilège du genre sont biaisées par une binarité cissexiste qui ne reflète pas la réalité : il n’y a pas que deux genres. On a tendance à penser au privilège masculin comme à ce dont l’homme fait l’expérience, par opposition à ce dont la femme fait l’expérience. Mais en réalité, tout ce qu’on nous apprend sur la détermination des genres à la naissance, et sur la séparation du genre humain entre homme et femme, est faux.

Par exemple, les personnes non-binaires, agenre et intersexes se situent en dehors de la binarité hommes/femmes. De plus les femmes transgenres mégenrées et traitées comme des « hommes » ne font pas exactement l’expérience du privilège masculin…
Ces réalités complexifient les exemples provenant de la recherche sur l’oppression genrée, qui ont tendance à se référer uniquement aux hommes et femmes cisgenres. D’autres études, cependant, cherchent à combler les manques.

Cette collection montre l’amplitude réelle de l’oppression basée sur le genre. Bien que certains exemples puissent sembler insignifiants en eux-mêmes, ils montrent comment le système plus large du patriarcat est maintenu chaque jour.

Du coup, on peut faire quoi contre le privilège masculin?

Voici le monde dans lequel nous vivons – des inégalités, depuis l’interaction sociale quotidienne jusqu’aux normes genrées profondément ancrées, qui engendrent des conséquences sociales, légales, et sanitaires pour toutes les personnes qui ne sont pas des hommes.

Qu’est-ce que tu peux faire ? Utilise cet article pour sensibiliser les gens autour de toi. Fais attention quand toi aussi tu contribues à ces normes sociales nocives. Et consulte ces quelques lectures complémentaires (en anglais pour le moment) :


SOURCE: 120+ exemples du privilège masculin dans la vie de tous les jours de Maisha Z. Johnson. Article publié sur Dialogues avec mon père, débats fictifs sur le féminisme.
Cet article est une traduction partielle de l’article du magazine Everyday Feminism que vous pouvez trouver en entier ici, avec notamment les sources et études utilisées.

L’auteure : Maisha Z. Johnson est la responsable Digital Content et auteure sur Everyday Feminism. Vous pouvez trouver un grand nombre de ses écrits un peu partout sur le web. Les travaux précédents de Maisha incluent  Community United Against Violence (CUAV), la plus vieille organisation anti-violence LGBTQ des Etats-Unis, et Fired up !, un programme de California Coalition for Women Prisoners. A travers son propre projet, Inkblot Arts, Maisha relie les arts créatifs et les digital media pour amplifier les voix de ceux et celles que l’on force souvent à se taire. Aimez-la sur Facebook ou suivez-la sur Twitter @mzjwords.

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Les couilles sur la table – Contre la rhétorique masculiniste https://calimero.transquinquennal.be/les-couilles-sur-la-table-contre-la-rhetorique-masculiniste/ Mon, 18 Mar 2019 10:34:09 +0000 http://calimero.transquinquennal.be/?p=139 Lire la suiteLes couilles sur la table – Contre la rhétorique masculiniste]]>

Il paraît que les hommes vont mal. Que la virilité se perd. Que les sociétés occidentales seraient hyper féminisées. Que les hommes ne sauraient plus comment être des hommes, qu’ils seraient paumés et souffriraient beaucoup à cause des femmes, et à cause du féminisme, qui les briment et les oppriment. Les symptômes ? Mauvais résultats scolaires, difficultés à séduire, refus des tribunaux d’accorder la garde des enfants au père en cas de séparation, et même… suicides. Les solutions ? Les mouvements de défense des hommes, les stages de revilirisation d’inspiration chrétienne ou ésotérique, et autres “écoles de la masculinité” d’extrême-droite.
Dans cet épisode, nous montrons d’où vient ce discours et ce qu’il révèle, avec Francis Dupuis-Déri politologue, professeur à l’Université du Québec à Montréal, auteur d’une enquête précise et documentée : “La crise de la masculinité, autopsie d’un mythe tenace”.
Francis Dupuis-Déri est également un militant pro-féministe, qui reconnaît ses propres privilèges d’homme blanc hétérosexuel ; dans cet épisode, il partage avec franchise et drôlerie son expérience et son regard sur la société française contemporaine.

 

OEUVRES DE L’INVITÉ
“La crise de la masculinité, autopsie d’un mythe tenace”, éditions du Remue-Ménage, 2018. Attention, ce livre semble pour l’instant indisponible en France; Patience !
Son indispensable “Petit Guide du “Disemporewent” pour hommes pro-féministes” est toujours disponible en ligne gratuitement.


LES TRAVAUX DONT IL EST QUESTION

Des penseurs·se s féministes et anti-racistes
Christine Delphy, L’ennemi principal (2001)
Colette Guillaumin, Sexe, race et pratique du pouvoir : l’idée de nature (1992)
Anthony McMahon, « Lectures masculines de la théorie féministe : la psychologisation des rapports de genre dans la littérature sur la masculinité », L’Homme et la société, 2005
Edward Saïd, L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident (1978)
Et aussi : Frederick Douglass, Angela Davis, Monique Wittig

Des porteurs de discours masculinistes, tous bords politiques confondus
Dominique Venner, Histoire et traditions des Européens : 30 000 ans d’identité (2011)
Alain Soral, Vers la féminisation ? Pour comprendre l’arrivée des femmes au pouvoir (2007)
Guy Corneau, Père manquant, fils manqué : Que sont les hommes devenus ? (1989)
Alain Badiou, Conférence sur la féminité (2013)
Eric Zemmour, Le Premier Sexe (2006) et Le Suicide Français (2014)

 

CRÉDITS
Les couilles sur la table est un podcast de Victoire Tuaillon produit par Binge Audio. Réalisation et prise de son : Quentin Bresson. Générique : Théo Boulenger. Chargée de production : Juliette Livartowski. Chargée d’édition : Camille Regache. Identité graphique : Seb Brothier (Upian). Direction des programmes : Joël Ronez. Direction de la rédaction : David Carzon. Direction générale : Gabrielle Boeri-Charles. Direction artistique : Julien Cernobori.

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Les couilles sur la table – Ce que la soumission féminine fait aux hommes https://calimero.transquinquennal.be/les-couilles-sur-la-table-ce-que-la-soumission-feminine-fait-aux-hommes/ Mon, 18 Mar 2019 10:33:48 +0000 http://calimero.transquinquennal.be/?p=137 Lire la suiteLes couilles sur la table – Ce que la soumission féminine fait aux hommes]]>  

Comment être un homme libre dans un monde où les femmes sont soumises ? Pourquoi dit-on que les femmes préfèrent les bad boys ? Dans quelle mesure peut-on choisir d’être, ou non, un homme dominant ? Dans les relations amoureuses et sexuelles, comment la socialisation des femmes à être soumises influe-t-elle sur le comportement, les conceptions, et les possibilités des hommes ?

Réponses avec la philosophe Manon Garcia, agrégée de philosophie, diplômée de Sciences Po Paris, de Polytechnique et de l’Ecole Normale Supérieure. Elle vient de publier « On ne naît pas soumise, on le devient » aux éditions Climat, qui est extrait de la thèse qu’elle vient de soutenir : « Consentir à la soumission : un problème philosophique. »

 

 

 


RÉFÉRENCES

Le compte Instagram Tu Bandes, et le compte instagram T’as joui.
L’émission “Répliques” sur France Culture, présentée par Alain Finkielkraut, où Manon Garcia était invitée face à Eugénie Bastié (et où elle a prononcé le mot “clitoris”).
Revolutionary Road (Noces Rebelles), de Sam Mendes, avec Kate Winslet et Leonardo Di Caprio (2008).

RECOMMANDATIONS
Manon Garcia recommande d’aller voir le film Le Grand Bain de Gilles Lelouche (même si le film ne passe pas le test de Bechdel), et la pièce de théâtre Abeilles, mise en scène par Magali Léris au théâtre de Belleville, sur la difficulté d’être un homme de classe populaire face à ses enfants.

CRÉDITS
Les couilles sur la table est un podcast de Victoire Tuaillon produit par Binge Audio. Réalisation : Quentin Bresson. Générique : Théo Boulenger. Chargée de production : Juliette Livartowski. Chargée d’édition : Camille Regache. Identité graphique : Seb Brothier (Upian). Direction des programmes : Joël Ronez. Direction de la rédaction : David Carzon. Direction générale : Gabrielle Boeri-Charles. Direction artistique : Julien Cernobori.

 

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