La question brute
« Comment le langage se débrouille-t-il pour encoder dans des structures linéaires des significations qui ne le sont pas ? »
L’esquisse générale
En linguistique formelle, nous étudions les structures logiques aptes à rendre compte de la structure du langage. Le langage naturel a ses énoncés (pensez à n’importe quelle proposition en français) ; le langage logique aussi, ce sont les formules, construites à partir d’un alphabet de symboles logiques, et selon des règles bien définies.
Voici, au terme de cette valse hésitation, un sujet qui nous tient à coeur, nous paraît toujours très vif et engage sans doute bien plus que l'architecture :
"En mai de cette année-là [1904], il [freud] projetait d'écrire un essai sur le "caractère sexuel de l'architecture antique", mais ce projet ne vit finalement pas le jour". In "Notre coeur tend vers le sud", p.167.
... et son actualisation!
Le sujet que je vous propose est "la fin de l'époque de l'homme" ou bien, le "post-humain".
Je travaille ce sujet-là de différentes façons, dans mes derniers bouquins tels que : " Connaître est agir" (2006, édition La Découverte), ou bien "La santé à tout prix; médecine et biopouvoir" (2008, édition Bayard) , ou encore dans "L'éloge du conflit", avec Angélique del Rey (2007, édition La Découverte), ou encore dans "Le mythe de l'individu" (1998, La Découverte).
Voilà ce que je vous propose: une phrase tirée de "Voyage au bout des 16 mètres", de l'écrivain Péter Esterházy, à propos du footballeur hongrois mythique Ferenc Puskás. C'est la plus belle métaphore de notre (post)modernité :
" C’est avec Puskás que quelque chose disparaît du monde, devient différent, change, n’est plus ce qu’il était auparavant, et ne le sera jamais plus. (…) c’était lui qui définissait le monde (je parle du rectangle du terrain), le rêve moderne n’est-ce pas ? Au lieu d'avoir à choisir la meilleure parmi les possibilités offertes et définies par le monde [Cruyff, Maradona qui eux
sont des stars]."
Un groupe de captifs du 127bis (institution carcérale pour demandeurs d'asile sise sous la piste d'envol de Bruxelles national) s'enfuit et investit les locaux de la RTBF en pleine nuit pour rédiger et lire à l'antenne des "journaux parlés" du matin. (C'est techniquement possible, je peux vous expliquer). C'est comme une "prise d'otages", mais différent. C'est une prise d'antenne. Prise de parole.
« A aucune reprise, lors d’un compte-rendu sur l’état de l’Union, le Congrès des Etats-Unis ne s’est assemblé avec la perspective de réconfort qui se manifeste actuellement. Dans le domaine intérieur, le calme et la satisfaction prédominent ; on enregistre des relations harmonieuses entre patrons et travailleurs, l’interruption des conflits industriels, et la plus longue série d’années de prospérité. (…) La grande richesse générée par nos entreprises et notre industrie, confortée par notre économie, est largement distribuée parmi toutes les couches de la population, et s’est même répercutée généreusement pour le bien des affaires mondiales. (…) Ce pays peut regarder le présent avec satisfaction et envisager le futur avec optimisme.»
"No Congress of the United States ever assembled, on surveying the state of the Union, has met with a more pleasing prospect than that which appears at the present time. In the domestic field there is tranquility and contentment, harmonious relations between management and wage earner, freedom from industrial strife, and the highest record of years of prosperity. (…) The great wealth created by our enterprise and industry, and saved by our economy, has had the widest distribution among our own people, and has gone out in a steady stream to serve the charity and the business of the world. (…) The country can regard the present with satisfaction and anticipate the future with optimism."
Voici le sujet, qui occupe beaucoup de monde chez les chercheurs en neuroscience et les cliniciens des dépendances :
Les infortunes du circuit du plaisir!
Nous les hommes, comme tous les mammifères, avons dans le cerveau un circuit neuronal appelé le circuit du plaisir. Lorsqu'il se met en fonctionnement, il libère une molécule, la dopamine, qui nous fait ressentir du plaisir. Il sert, semble-t-il, à motiver et à récompenser par une sensation de plaisir, la répétition de comportements nécessaire à la survie des espèces: manger, boire, avoir des rapports sexuels, des liens d'attachement, des rapports sociaux et se procurer un abri. Chez l'homme, il est aussi, croit-on, activé par l'humour, la beauté, la musique, les activités artistiques, les passe-temps agréables, le sport, les divertissements, le jeu. Il peut l'être aussi par les récompenses sociales et l'argent ... et voici le problème, par la nicotine, l'alcool et toutes les drogues, qui ont la capacité dans diverses mesures, de littéralement s'installer dans le circuit du plaisir, de le détourner de ses activateurs habituels et de le faire tourner rien que pour eux, soit en lui faisant libérer énormément plus de dopamine, soit en n'en laissant plus assez pour les autres substrats qui n'ont alors plus grande importance.
"Du secret..."
Il est intéressant de noter la définition du secret donnée par le dictionnaire. Etymologiquement, secret provient de secretum : chose secrète, ce qui doit être caché, isolé, séparé. Ne parle-t-on pas de mettre quelqu’un au secret à l’intérieur de la prison ? Il désigne également une des parties les plus difficiles et essentielles d’un art ou d’une science, ou une chose dont la divulgation nuirait aux intérêts généraux, le secret d’Etat.
Depuis le XVIe siècle, secret désigne les affects les plus intimes : les secrets du cœur et plus intéressant encore les parties sexuelles : « les secrets ».
Les diverses facettes de cette définition ne peuvent que nous faire associer à une question des plus fondamentales de la clinique psychothérapeutique et analytique. Effectivement, la question du secret tisse sa trame et produit ses effets au cœur même des processus psychodynamiques et analytiques. Ils participent à la constitution des chapitres ignorés de l’histoire individuelle.
Gilles Deleuze disait un jour à Toni Negri: "Peut-être la parole, la communication, sont-elles pourries. Elles sont entièrement pénétrées par l'argent: non par accident, mais par nature."
Méditons cela quelques secondes.
Ne serions-nous pas tous des commerçants?
Les « accommodements raisonnables » en matière de diversité religieuse.
Le concept d’accommodement ou aménagement raisonnable repose sur un constat de base : certaines personnes, en raison d’une caractéristique qui leur est inhérente et qui constitue un motif prohibé de discrimination, telle qu’un handicap, une croyance religieuse ou leur sexe, ne sont pas en mesure d’accomplir une tâche ou d’accéder à un lieu de manière conventionnelle.
Dès lors que l’environnement dans lequel elles évoluent est organisé uniquement en fonction des individus qui ne présentent pas cette particularité, ces personnes se voient barrer l’accès à des emplois, à des services ou à d’autres activités. C’est donc l’interaction entre une caractéristique propre à un individu et l’environnement physique, social ou normatif, qui aboutit à priver celui-ci du bénéfice d’un emploi ou d’un service en principe ouvert à tous.
Or, il apparaît que dans un certain nombre de cas, un aménagement, c’est-à-dire une modification ou un ajustement, de cet environnement permettrait d’éviter aux personnes présentant cette spécificité d’être ainsi désavantagées par rapport aux autres individus.
“Un jour, c'était quand déjà ? Devant les meubles-fichiers de bois de la bibliothèque de la rue d'Ulm, las des recherches imposées, j'ai commencé à remplir une fiche d'appel pour un livre choisi au hasard. Puis une autre dont le titre m'était incompréhensible comme “Quelques obstructions à l'existence d'immersions isométriques minimales d'une variété riemannienne dans les sphères” ou “Stratégies de gestion de la fertilisation azotée de la pomme de terre de consommation”. Ou dont la description en système décimal universel avait accroché mon oeil, me plaisait. Il est sans doute nécessaire d'écrire ici, que ces livres-là, m'ont plus appris que les premiers. Des livres qui ne soient pas des restes, des reliques; des livres qui par miracle, arrivent à leurs destinataires inconnus. Plus tard, j'ai un temps pensé essayer de lire tous les livres dont la cote était un nombre premier, c'était plus raisonnable que de pouvoir un jour lire tous les livres qui m'étaient destinés”.
Etienne Elayon, “L'entreprise des apparences”, in Cause Commune 1977/4 (Les Livres)
Ce que nous avons essayé de faire dans Blind Date pourrait être décrit comme la mise en oeuvre d'un processus similaire à celui que décrit Etienne Elayon. La cote du volume qui contient son article est peut-être un nombre premier.
Si le sujet était nos Blind Dates, quel serait le livre…
TRANSQUINQUENNAL VOUS DONNE RENDEZ-VOUS
BLIND DATE est un processus de création par rencontres-surprises, qui s’articule autour de trois axes : d’une part un SUJET qui nous est livré par un « commissaire » indépendant , issu d’un domaine professionnel éloigné du milieu théâtral; d’autre part un artiste INVITE, avec qui nous travaillons pour élaborer en une semaine un spectacle à partir du sujet imposé; et enfin, le PUBLIC, à qui nous fixons un rendez-vous hebdomadaire, pour une représentation unique.
Pendant 10 semaines, nous répéterons le processus, avec chaque semaine un nouveau sujet proposé par un commissaire différent, un autre invité et donc un nouveau spectacle que nous vous présentons chaque vendredi.
Dix semaines de travail pour désamorcer le prédictible, plonger dans l’imprévu, se confier au contingent, aborder des contenus autres et autrement, créer des liens entre des préoccupations et des pratiques étrangères les unes aux autres.
Et ainsi, de semaine en semaine, par succession de confrontations improbables, surprenantes, rapides, inattendues, contraintes, aléatoires, nous faisons le pari de nous emmener, vous et nous, là où nous n’aurions jamais eu l’idée d’aller.
LES COMMISSAIRES
Les commissaires sont choisis pour nous apporter des contenus étrangers à notre pratique, pour nous ouvrir les yeux, pour nous déboucher les oreilles, pour nous secouer les miches. Nous ne les connaissons pas, ou au pire très vaguement. Nous leur demandons de nous livrer un sujet ou « propos » proche de leurs préoccupations et lié à leur activité professionnelle (du droit à l’économie, en passant par les sciences sociales, l’architecture, les mathématiques, ou la médecine), à partir duquel nous nous engageons à construire le Blind Date le plus pertinent possible. Chaque lundi matin, nous découvrons et publions sur le site web dédié au projet, le sujet sur lequel nous allons travailler avec l'invité de la semaine.
LES INVITES
Les invités viennent de champs artistiques différents du nôtre. Ils travaillent avec nous à la conception et à la réalisation du Blind Date de la semaine, à partir du sujet imposé. Aucune des deux parties (Transquinquennal et l’invité) n’a donc un lien a priori avec le sujet qui leur sert de point de départ.
LES GO-BETWEENS
Pour nous enfoncer toujours plus dans l’inconnu, nous avons confié à certains de nos amis la tâche de choisir pour nous les commissaires et certains invités des Blind Dates.
EN TEMPS REEL
Pendant ces dix semaines, il sera, pour chaque Blind Date, tenu un journal quotidien, alimenté par du matériel visuel, textuel, et consultable en ligne. La compagnie s’engage à y verser au moins 900 mots par jour, sans parler du reste.
Transquinquennal asbl, en coproduction avec le Théâtre Varia, avec le soutien de Wallonie-Bruxelles Théâtre. Transquinquennal est subventionné par la Communauté française Wallonie-Bruxelles et est en résidence au Théâtre Varia.
Blind Date par Transquinquennal
+ Newsletter
+ Flux RSS
Design & développement Nicolas Rome
Site Nectilisé